Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 17 décembre 2019

HUBLOT

Il y a aussi ce geste, en apparence anodin, le regard à travers le hublot, qui ouvre la série des fenêtres (celle derrière laquelle se tient Antoine lorsque arrive le taxi, la jeune enfant au trampoline, la voiture garée et le ventilateur aux pales bleues dans la dominante du film, les verres dépolis et opaques de la salle de bains au moment de la conversation téléphonique, serrée sur la solitude et la peur de l’aveu à venir, le dialogue Suzanne-Antoine depuis la chambre du sous-sol fixé en contrechamp sur Louis en train de fumer dans le jardin, le plan métonymique, celui la véranda, la cigarette que tient la mère – dernier regard amusé et plein de tendresse du fils – après la dispute ; la seule qui soit ouverte, aux rideaux qui flottent sur les rêveries et les souvenirs de l’enfance, jusqu’à se refléter dans les yeux du personnage, accompagne l’étreinte brusquée de la mère dans l’abri, etc.). Ce regard à travers le hublot coïncide avec une séquence précise du « monologue intérieur » (mais tout autant destiné au spectateur) : « Il existe une variété de motivations, qui vous appartiennent, qui ne regardent personne d’autre que vous, qui vous poussent à partir dans la vie, à ne pas regarder en arrière. De la même manière, il existe une variété toute aussi grande de motivations qui vous poussent à revenir. » De même que s’énonce la trajectoire rebours après le départ et la distance, « ne pas regarder en arrière », mouvement contradictoire du personnage, c’est bien une tension entre l’ici et l’ailleurs qui est en jeu, ce que reprend plus loin Antoine : « Il veut être loin. Même quand il est dans le salon, il est loin » (1’18’’51’’’). L’absence aux autres se double dans la transition du voyage d’une absence au présent immédiat et concret, manifestée par la fixité songeuse mais persistante du regard devant soi ou vers le sol. Le spectacle, Louis l’imagine avant de le vivre en quelque sorte.