Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 15 décembre 2019

L'IMAGE IRRÉSOLUE

Pour les raisons énumérées ci-avant, il me semble difficile de partager la conclusion de Daria Bardelotto (Skén&graphie, 5, PUFC, 2017, p. 109-110) qui a travaillé sur les pré-versions du scénario Dolan déposées à l’IMEC : « Dans l’adaptation de Xavier Dolan, Catherine et Antoine – sans que Louis ait besoin de se livrer à une confession impossible et qu’il ne saura pas faire – comprennent ce qu’il faut comprendre. Louis n’est donc pas retourné en vain : malgré les difficultés de la communication verbale qui caractérisent cette famille, les messages passent à travers ces échanges de regards que seul le cinéma peut transformer en véritables dialogues. La parole irrésolue de Lagarce sort de son impasse à travers l’image. » Et plus loin, commentant le geste ultime de Louis (G. Ulliel), le doigt sur les lèvres, et ce qu’en dit le script (« invitant Catherine au secret…éternel »), deux traitements assurément divergents du silence, « l’image, et à travers elle le regard, s’empare de l’espace du non-dit et le rend intelligible. » Mais y a-t-il des « messages » ? et l’issue de l’échange est-elle de « comprendre » ? et d’abord comment ces personnages « comprennent »-ils (souvent au cœur des malentendus comme ils voient mal) ? L’image s’empare du non-dit mais en le chargeant peut-être plus d’une sonorité selon le mot de l’actrice que d’une signification logique, qui viendrait résoudre ce qui chez Lagarce demeurerait irrésolu. Autant retirer au cinéma son propre pouvoir de suggestion. Autant désarticuler surtout les rapports visible/invisible-dicible/indicible, mis en place dès la séquence prégénérique.