Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 27 octobre 2019

LE LIEU DE L'INCONNAISSANCE

Dans l’écriture même des éditoriaux – ceux du Théâtre Granit en particulier – là où se déploie par syncopes le double mode de l’énumération et de l’injonction à soi-même, aux autres – le même objectif : « aller son chemin » (p. 7), leitmotiv – même si ce chemin on ignore comment il est balisé, à quel événement il est destiné, par quels détours, épreuves ou obstacles nécessaires on le traverse. Ce mouvement dynamique exposé à l’inconnu se trace comme régime négatif et privatif : « Se méfier de toutes les certitudes. Continuer à avoir peur, être inquiet, ne jamais être sûr de rien. » (id.) Moins ascèse qu’un état de dépossession, et en premier lieu de dépossession d’un savoir sur l’art, sur la société, sur la vie, ce qui devient la condition de résistance et de critique voire de désobéissance aux discours qui habitent et pensent les sujets, chacun, tous, côte à côte. L’invention ou la réinvention est à ce prix-là : « Éviter toujours ces mots-là, « le consensus », « la conjoncture », « les synergies », on a beau avoir fait des études, ces mots-là, on ne les comprend pas, on les laisse. » (p. 8). D’où la vitalité pour ce faire du rire et de l’ironie. Le théâtre conçu comme lieu de l’incertitude est ce qui met en état d’inconnaissance – c’est à ce titre qu’on peut aller son chemin.