Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 25 octobre 2018

TEMPS FEUILLETÉ

Auerbach en lecture feuilletée. À reprendre ce classique, longtemps cherché au milieu d’étagères empoussiérées, ce sont des recoins jusque-là sombres et invisibles, qui font tout à coup saillie. Comme ces pages de Mimésis sur Ammien Marcellin, historien latin du IVsiècle qui retient par son « réalisme sombre et suggestif », un « monde grimaçant et terrible » (Gallimard, coll. « Tel », 1968, p. 71-72), qui autorise la comparaison avec le moderne et lointain Kafka. Ce qu’Auerbach y perçoit c’est une « sinistre situation » et des « perspectives sans avenir » – une « historiographie qui ne montre jamais rien de libérateur » (ibid., p. 71). Un univers « oppressant » et « sans contrepoids » au point qu’il provoque ce court mais singulier développement général : « car s’il est vrai que les hommes sont capables de toutes les atrocités, il est vrai aussi que ces atrocités engendrent toujours des forces opposées et que dans toutes les époques d’horreur les grandes forces vitales de l’âme se sont aussi manifestées : amour et abnégation, héroïsme conscient et recherche obstinée des possibilités d’une existence plus pure » (id.). Dans toutes les époques, celle – militaire et génocidaire – qui va de 1942 à 1945 notamment, pendant laquelle s’écrit l’essentiel du livre, la lecture du passé y servant à déchiffrer avec angoisse le présent.