Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 15 juin 2018

L'OUBLI DU DIALOGUE

L’hypothèse théorique des assemblages ouvre sur une analytique du continu et coordonne le continu et le singulier sous l’espèce de ce qu’à plusieurs reprises Benveniste qualifie de « nouveau » ou « nouveauté ». La lecture s’inscrit dans ce paradigme. « À l’idée que l’écrivain « fait une expérienceneuve du monde » et « la dévoile par une expression neuve » répondent certains effets : « le poète éveille le sentiment, éduque la perception, avive l’impression de la chose unique » (p. 598). D’où l’accent porté sur l’émotion – et Benveniste trame ce lieu commun sans le questionner. Du processus à l’action de ce processus, la question devient donc celle de la reconnaissance et de la connaissance de la nouveauté dont sont ou seraient porteuses et l’expérience et l’expression du poète.
Il reste que sous l’enseigne de la « communication poétique » Benveniste n’envisage guère en sa « zone émotive » qu’un « auditeur – qui n’est pas un interlocuteur (il n’attend pas de réponse de lui) » (p. 238) ou se réfère à un interlocuteur « émotionnellement impliqué » mais « en tant que récepteur du discours », sorte de contrepartie de la « situation “normale” de partenaire de dialogue » (p. 248). Comme s’il avait mis en oubli sa propre théorie et réamorcé le débat depuis une conception psychophysiologique du sujet. Et le rapport du sens aux sensations, du sens à l’émotion l'occupe régulièrement.
À cette date, la majorité des articles portant sur la linguistique de l’énonciation et du dialogue ont été publiés : 

Structure des relations de personne dans le verbe
1946
Bulletin de la Société linguistique de Paris, XLIII
La nature des pronoms
1956
For Roman Jakobson
Les verbes délocutifs
1958
Mélanges Spitzer
De la subjectivité dans le langage
1958
Journal de psychologie
Les relations de temps dans le verbe français
1959
Bulletin de la Société linguistique de Paris, XLVI
La philosophie analytique et le langage
1963
Les Études philosophiques, I
Structures des relations d’auxiliarité
1965
Acta Linguistica Hafniensia, 1
L’antonyme et le pronom en français moderne
1965
Bulletin de la Société linguistique de Paris, LX
Le langage et l’expérience humaine
1965
Diogène, 51
Structure de la langue et structure de la société
1968
Linguaggi nella società e nella tecnica

Pour autant, il ne me semble pas que l’approche esthétique s’accorde vraiment avec la théorie de l’énonciation ; elle s’y substitue plutôt pour prendre en charge le double phénomène de l’intersubjectivité et de la transsubjectivité.
Assez de creuser à petits coups de pelle. Je ferme ces pages.