Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 15 juin 2018

GRAMMAIRE SÉMANTIQUE ?

Il me semble avoir manqué ce morceau, l’appel dans Baudelaire de Benveniste à une « grammaire sémantique (ou poétique ?) » (p. 672). Et il insiste sur « l’originalité » de Baudelaire dans ce domaine. Au feuillet précédent, il rature « structure » et le remplace par « grammaire » (p. 670). Mots d’époque. Similarité et nuance. L'air de rien. 1969 est la date de publication en français de Morphologie du conte de Vladimir Propp. En 1968, Todorov propose une « grammaire du récit », qui dégagerait une « structure commune » ou « grammaire universelle », en étudiant « des activités symboliques autres que les langues naturelles » mais  sur la base des catégories disponibles dans ces mêmes langues. Le menu structuraliste : combinatoires, invariants, universaux. Au même moment, dans « Poetry of Grammar and Grammar of Poetry », Jakobson met l’accent sur le principe général et généralisable du parallélisme, équivalences ou divergences morphologiques, syntaxiques, lexicales ou métriques. Et Benveniste n’y échappe pas qui décrit par exemple le parallélisme strophique des voyelles (p. 372-374). Mais il y a quelque chose qui résiste : grammaire sémantique, ça n’a a priori que peu de sens, littéralement contradictoire ; grammaire poétique à la rigueur. L’expression est résolument tensive : elle ressortit à l’oxymore, il faut faire l’effort de se l’imaginer comme l’obscure clarté qui descend des étoiles dans Le Cid. Ce qui pointe, c’est peut-être l’enjeu de l’entreprise en son ensemble : cette grammaire qui est à fonder, théorie à constituer ou à venir, travaille peut-être à contre-courant. Elle tend précisément à déformaliser le point de vue sur la poésie. Sa force est là.