Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 18 juin 2018

(DÉ)CONSIDÉRATION

À verser à l’archive des politiques universitaires et des politiques du savoir : la contribution de Stéphane Martineau, professeur en sciences de l’éducation, à la rubrique « Opinion » du Devoir (16 juin 2018), Une version mercantile de l’université, qui replace le conflit social de l’Université du Québec à Trois-Rivières ces derniers mois dans la perspective d’un « mal bien plus grave et bien plus profond », approximativement daté par ailleurs (« depuis des décennies »), une « vision purement économique de l’université », terme des « tendances néolibérales de nos politiques publiques ». En direction des lecteurs, et des lecteurs non familiers ou non spécialistes, l’intention est louable qui consiste à alerter sur les dégâts de ces politiques ; l’analyse dans son ensemble valide sans être originale ni profonde. Elle éclaire sans doute les événements récents ; et il conviendrait de bien souligner que la crise – très localisée – dont elle s’occupe se place du côté du personnel si on la mesure en particulier aux événements les plus importants de ces dernières années : le Printemps Érable à l’échelle provinciale – pour l’essentiel un mouvement étudiant dont nombre d’enjeux croisent ces mêmes politiques. Sans contredire la démarche de l’auteur, je conserve malgré moi un réflexe irrité à observer certains emplois qui passent souvent de discours en discours, sans être questionnés ni contextualisés : « tendances néolibérales » ou « établissements de hauts savoirs » par exemple. Comme si on pouvait s’accorder spontanément avec les définitions et les références masquées derrière chacune de ces expressions. Au reste, l’article n’a d’autre ambition qu’une description avant tout empirique : clientélisme et dispositifs de soutien onéreux pour répondre à la hantise sociale du drop-out ; pratiques de gouvernance de moins en moins collaboratrices conjuguées au déclassement de professeurs dépossédés de leur pouvoir et de leur liberté ; promotion de plus en plus exclusive de la recherche subventionnée au point qu’un « professeur productif scientifiquement mais sans subvention y est peu considéré ». Ce dernier point a retenu mon attention par sa valeur de détail et, s’il m’est impossible de le réfuter au vu de l’expérience (sans m’attarder à « professeur productif » qui fait le lit de l’idéologie dénoncée), je m’interroge néanmoins sur la nature de cette considération. On l’inscrirait volontiers dans l’ordre de la reconnaissance institutionnelle et symbolique. Il reste qu’elle renvoie probablement à un autre enjeu : cette mise aux marges des acteurs des savoirs et des disciplines est le risque même de ces politiques – elle cristallise l’ignorance d’un système en assurant d’un même geste sa mutation.