Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 23 octobre 2017

POUVOIR DIRE


« Catégories de pensée et catégories de langue » (1958). La même simplicité à produire du complexe, à fabriquer des enjeux. De retour à ce texte, il me vient plusieurs observations. La première, la référence à l’étude d’un philologue – que m’avait signalée Marie-Pierre Gaviano – mais dont le nom et le titre m’échappent – source que l’article de Benveniste a pu employer sans mention. À rechercher. La deuxième, c’est qu’avant le passage aux « catégories » – notions médiatrices entre le langage et la pensée, autour desquelles via Aristote la démonstration va se nouer, il est possible d’entendre « pensée » et « penser » dans une perspective qui n’est pas nécessairement technique : celle qui a son lieu dans le concept et la tradition disciplinaire issue de Platon ; la pensée peut être saisie aussi bien comme manifestation psychique qu'opération cognitive par exemple – le propos de Benveniste se veut initialement large. La troisième se situe à rebours des objections anti-« déterministes », puisque l’auteur énonce qu’Aristote et la métaphysique grecque de l’être avec ses prédicats ne font que « retrouver » (p. 70) alors que la langue a surtout permis de « faire de l’“être” une notion objectivable » (p. 71) et par voie de conséquence formalisable. En outre, il est dit explicitement que la pensée est indépendante des « structures linguistiques particulières » mais « non de la langue » (p. 73), ce qui est radicalement différent. De la langue à envisager à partir de l’énonciation et d’une créativité du discours, liant autrement le pouvoir-penser et le pouvoir-dire, ce que ne développe pas l'auteur dans l'économie de son article  il ouvre sur cet autre problème : « C’est ce qu’on peut dire qui délimite et organise ce qu’on peut penser » (p. 70). Condition n'est pas limitation ni réduction.