Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 4 mars 2022

VISIBILITÉ

       Démontage systématique de Sabine Prokhoris : Le Mirage #MeToo (Le Cherche Midi, 2021). Intéressante remarque d’abord sur la pusillanimité des éditeurs à accepter le manuscrit et c’est tout sauf surprenant dans l’ambiance délétère actuelle. Ils se pissent tous dessus, et se défroquent au moindre geste d’indignation ou d’accusation. Les courageux se comptent de plus en plus sur les doigts de la main. Ensuite, l’ironie parfois hargneuse qui, éthiquement, constitue plus un urticant – et tend le texte vers le polémique, ce dont il n’a pas besoin. La démonstration que ce mouvement détourne les causes féministes est on ne peut plus convaincante. Ce qui a toujours été ma réserve contre le courant pseudo-progressiste de certaines social justice warriors auto-proclamées, en plus des lynchages à gogo sur les réseaux sociaux (sachant que le mouvement nest pas non plus homogène et toutes les militantes sur le même plan, il va sans dire). Ce qui retient l’attention en dernier lieu, ce sont évidemment les traits paradigmatiques qu’a instaurés un tel mouvement : la remise en cause de l’État de droit ; l’essor des tribunaux populaires ; la collection des expériences – MeToo – somme d’individus – qui n’est pas nécessairement le gage d’une véritable entité politique – et c’est l’un des problèmes majeurs de la call-out culture comme de la cancel culture ; surtout : « Le statut “invisibilisé” de “victime-de-prédateurs”, à rendre visible. Il s’agit alors, en disant “moi aussi”, d’une performance – c’est éclatant dans le cas d’Adèle Haenel – censée retourner le stigmate, devenu par ce geste raison sociale et “fierté” sinon identité. » (p. 106). Où s’entend l’amalgame aux conséquences politiques majeures, également perceptibles dans l’écriture inclusive (voir le rôle du point médian et des décompositions méta dans l’ordre morphologique : tou.te.s, etc.), entre la visibilité et la représentation du demos. Et puis les bobos de l’élite (le monde du cinéma), tous ces malheureux « dominés » de l’âge néolibéral, qui en ont le moins à souffrir, l’indulgence me manque. Autant deffets qui invisibilisent de très réelles violences par ailleurs.