Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 4 mars 2022

IGNORANCE

    Une variante en est cet échange extraordinaire sur France-Inter (19.11.2021) avec Julie Neveux, linguiste militante à propos du pronom « iel », récemment entré dans le Petit Robert en ligne : « Bien sûr qu’on ne l’entend pas, ne l’a jamais entendu, et d’ailleurs le plus grand nombre n’a pas encore rencontré de personnes non-binaires, il faudrait peut-être organiser [petit rire] des rencontres. » Comme si l’ignorance du pronom induisait par nécessité l’ignorance des personnes non-binaires. Derrière la condescendance, « organiser des rencontres », ce qui s’entend c’est l’ethos conservateur de l’élite : éclairer le peuple – qui déguise à peine le mépris de classe. L’observation qui précède de peu cette remarque, et rapproche dans l’ordre non-genré « iel » de « je », « tu », « nous », « vous » met en oubli la réalité de l’accord morphosyntaxique (« Les deux filles se sont rencontrées quand elles avaient huit ans »). Surtout puisqu’il est question d’être désigné et d’identité à reconnaître, et au-delà de titre civil, ce fait précisément que « iel » au même titre que « il » ou « elle » relève de la non-personne et sort du cadre de l’interlocution, celui de je/tu ou les extensions nous/vous. Cela a trait au délocuté (binaire ou non-binaire). Une pensée linguistique de l’individuation résolument absente du propos…