Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 18 août 2019

OBSESSION

L’acharnement presque étrange sinon irréfléchi de ce « critique », dans ce qu’il pense être pourtant le jugement le plus décapant et surtout le plus juste, à dénoncer et à dénigrer le retour obsédant des mêmes obsessions chez un même jeune auteur – et c’est un lieu tellement commun, on en lit des tartines dans la presse, on les entend sur le mode logorrhéique, déclinaison satisfaite à la radio ou autres moyens de diffusion. Comme si une œuvre – digne de ce nom – était autre chose qu’une longue variation recommencée autour des mêmes motifs, des mêmes questions – sans cesse repris et décentrés. Ce qui ramène à ce mot célèbre, et non moins lucide de Péguy, qui n’a jamais prétendu faire qu’une seule et unique œuvre, Jeanne d’Arc, sous l’espèce de quatorze ou quinze mystères, cette page de Clio à propos des Nymphéas de Monet : « On vous parlait hier aux Cahiers de ce très grand peintre moderne et contemporain qui avait fait vingt-sept fois ou trente-cinq fois ses célèbres Nénuphars ; ou Nymphéas. […] Comment lui en faire un grief, quand au contraire les plus grands ont fait ainsi, — et n’ont peut-être été grands et génies que pour cela. — […] Tous nous refaisons nos célèbres Nénuphars. Tous nous petits. Mais les plus grands génies du monde n’ont pas procédé autrement. […] Les uns de les peindre ; et les autres de les chanter ; de les écrire ; de les conter. C’est à se demander si ce n’est point la marche propre du génie, si tel n’est point l’ordre du génie, sa technique et sa destination : de donner une fois pour toutes, autant que possible pour éternellement, une certaine résonance temporelle. […] Lesquels de ces vingt-sept et de ces trente-cinq nénuphars ont été peints le mieux ? Le mouvement logique serait de dire : le dernier, parce qu’il savait (le) plus. Et moi je dis : au contraire, au fond, le premier, parce qu’il savait (le) moins. » (Œuvres en prose complètes, t. III, Gallimard-Pléiade, p. 1026-1028).