Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 26 août 2019

COOPÉRATION

Vu en salle il y a deux jours The Death and Life of J. F. Donovan, dont la naissance semble avoir été chaotique en regard des péripéties du montage, de la production et de la distribution, occasion idéale en tous cas d’en faire le procès à l’auteur, puisque le film a été entouré ou précédé de gloses et de jugements divers avant même que le public large ne découvre la matière, de ce bord-ci de la terre, du moins. En sa banalité même, le titre étrange d’abord, qui déroute par inversion des termes le programme biographique centré sur le personnage éponyme, et c’est bien par la fin que le spectateur doit commencer ; le montage et les coupes, et la conduite du récit, ne serait-ce qu’à travers les trois séquences initiales, particulièrement complexes, dans l’espacement chronologique, les discontinuités, les aller-retours – les rétrospections, les parallèles et les superpositions qui suivent ; la double voix de l’entretien, tendu et conflictuel au départ, autour du livre et de la relation épistolaire entre la journaliste et Rupert Turner – astuce de l’échange qui prend à parti l’opinion et le public lui-même, doublant la mise en abyme de l’univers du spectacle, de la télévision voire du cinéma ; la gémellité des personnages (les deux mères, les deux fils, l’amant et le frère, etc.) ; et toujours la beauté photographique des plans et des visages (qui n’exclut pas certains clichés, la scène d’amour entre les deux amants étant aussi pudibonde que convenue), les couleurs, continuité d’autant mieux perceptible avec Mommy et Juste la fin du monde. Le plus intéressant est encore dans ce qui échappe, la réalité d’un film à ellipses, un film à trous (comme le personnage central dont la vie reste largement ignorée, sa maladie, etc.). Autant de failles qui exigent en retour la coopération du spectateur, et débordent le fantasme qui laisserait croire que l’œuvre véritable se trouve ailleurs – dans les quatre heures de bande réduites et récrites par le réalisateur par exemple. On est loin en tous cas, si l’on se prend à faire cet effort patient de voir un peu, de cette masse d’avis dont le sommet tient dans ces mots d’un folliculaire francophone : « […] pour le meilleur et pour le pire, The Death and Life of John F. Donovan… est du Dolan » - tautologie de l’effet de reconnaissance, celle d’une manière que le responsable de la brève se garde évidemment de qualifier ou de caractériser.