Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 11 juin 2019

LE COUCOU

Dans le bestiaire, il y a sous l’espèce d’un cliché le « maigre coucou ». Il me semble d’importance. Celui qui peuple les nids et vit aux dépens des autres. La stratégie d’occupation de l’oiseau grimpeur traduit le phénomène paradoxal de l’innutrition chez Corbière. L’œuvre doit son existence et son développement à l’imprégnation voire à la saturation de référents culturels qu’elle s’ingénie à dérégler. Il reste à expliquer le trait physique. À un premier niveau, il s’accorde avec la représentation d’un poète « sec » et « pâle » (« Le poète contumace »). Il voisine avec la « face creuse » de la misère, moins celle de la bohème que des pauvres authentiques. Il se retrouve dans des personnages tels que le « rachitique » au « moignon désossé » ou le « chien-loup maraudeur ». À un deuxième niveau, il reclasse la poésie négative de Corbière en manière maigre, caractérisation souvent péjorative dans les théories classiques qui l’opposaient à la grande manière ou à la manière ample. Et la grande manière avec « son flot hexamètre », inséparable du flué romantique ou bourgeois, c’est ce que Corbière appelle le « grenier poétique », sorte de grenier d’abondance de nature nationale, la réserve inépuisable pour laquelle le lecteur « paye pour fluer, vers à vers ». Ainsi s’explique que le coucou fasse d’abord son nid chez Lamartine, le « harpiste » suprême ou « pleureuse en lévite » et Hugo, « gardenational épique », qu’il s’applique à dégonfler. La manière maigre engage une continuation par réduction.