Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 11 novembre 2019

RISQUE


Sortie polémique de Martin Scorsese dans le New York Times (4 novembre 2019 : « I Said Marvel Movies Aren’t Cinema. Let me explain »). Il n’aura certes pas été le premier. Ni sûrement le dernier. Ce n’est pas tant la dénonciation d’une expression entièrement assujettie au divertissement, des produits graphiques stéréotypés comme des récits manufacturés et standardisés – le consommable de l’image ; ni même la structure dualiste mise en place – dont les fondements sont moins culturels qu’économiques ou le sont les uns par les autres, réciproquement : « The situation, sadly, is that we now have two separate fields: There’s worldwide audiovisual entertainment, and there’s cinema. » – et les impacts diversifiés, variables, des ressources en production aux salles de projection. L’intérêt de la tribune tient au lieu même de la critique, portée par une œuvre personnelle assurément, à ses termes (d’où elle parle). De Bergman à Hitchcock en passant par Sam Fuller, Kenneth Anger, Claire Denis ou Jean-Luc Godard, etc., l’enjeu est une « art form » tournée vers « the unexpected » : « something absolutely new and be taken to unexpected and maybe even unnameable areas of experience. » À l’inattendu qui travaille les bornes du visible et de l’invisible, correspond le sentiment de révélation : « For me, for the filmmakers I came to love and respect, for my friends who started making movies around the same time that I did, cinema was about revelation — aesthetic, emotional and spiritual revelation. » Dans tous les cas, c’est la catégorie du risque que Scorsese remet au premier plan – celle qui fait défaut à la majorité des fabrications cinématographiques, le modèle Marvel étant l’une des plus rentables et des plus caricaturales à cet égard : « the gradual but steady elimination of risk. » Au lieu de quoi le règne des franchises est le fait de « talented people » et d’« artistry ». Nuance capitale. Le risque entraîne – au cœur même d’une entreprise dont Scorsese sait – et rappelle qu’elle est collective et coopérative – une signature ou « the unifying vision of an individual artist » s’il est vrai que « the individual artist is the riskiest factor of all. » D’où cet ironique paradoxe : « I suppose you could say that Hitchcok was his own franchise »…