Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

samedi 30 novembre 2019

L'INVITE AU SPECTACLE

Il me semble qu’un concentré remarquable, et en quelque sorte programmatique, est la séquence pré-générique de Juste la fin du monde dans l’avion : le spectateur est d’emblée embarqué. La tonalité bleue et crépusculaire qui va accompagner pendant 1 h 36 le personnage de Louis. Le double rappel de l’hôtesse de l’air qui se tient pratiquement hors champ : « Nous allons commencer notre descente » et le mot peut s’entendre moins banalement qu’à double sens. Mais il fait valoir la fixité de Louis sur ses pensées – déjà ailleurs, délocalisé – et il y en aura plusieurs rappels : la scène familiale au cours de laquelle Suzanne sort Louis de ses songeries (et de sa relation anxieuse au temps qu’il lui reste pour délivrer l’aveu). Le jeu des plans : over the shoulder ; ¾ dos ; de face, etc., ceci en concordance avec la voix off et la récitation du prologue. Le jeu de l’enfant et des mains qui fera l’affiche du film, et ce motif sera tramé tout au long du film : les deux ballons rouges (allusion au moyen métrage de Lamorisse en 1956) cadrés depuis l’arrière du taxi ; les photographies et commentaires de Catherine ; la jeune fille à la trampoline aperçue derrière la vitre ; les objets évocateurs entassés dans le débarras ; les flashbacks mélancoliques sur les sorties du dimanche, etc. La dernière réplique, tête inclinée : « Voyons voir comment ça va se passer ». Procédé méta qui place Louis en spectateur-auditeur plutôt que dialoguant et adresse-invitation au public – et on le retrouvera dans le duo Suzanne-Antoine : « De toute façon, c’est bientôt fini – Ah bon ? » suivi d’un cut et d’un noir qui placent la séquence finale orageuse de la dispute autour du dessert, tout en laissant la sœur à l’incompréhension de la situation tragique.