Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 20 octobre 2016

FLUSH


L’urinoir est le lieu de pensées et d’échanges inattendus. Il s’y noue même des conversations dont la portée dépasse de loin, si l’on accepte de les voir, les enjeux habituellement débattus au sein des réunions les plus savantes. Il se tient roide, face aux parois entartrées, concentré et méditant l’énigme sale des plafonds. Je le sens cependant préoccupé ce matin, moins par le soupir taurin qu’il faudra le moment venu rituellement et poliment lâcher, que par la question. « Pourquoi continues-tu à faire de la poétique ? ». Et j’entends aussitôt que le mot a pour lui les beautés vénérables de la poussière accumulée sur ces rayons infinis dont plus personne ne retire les livres. Sur un ton professoral ainsi qu’il sied entre gens de métier, je considère très sérieusement son étonnement et sa perplexité. Je m’efforce de le rassurer en lui avouant que j’envisage demain de me convertir à la sémiotique ou à la rhétorique selon ce que dictera l’inspiration et de cultiver peut-être en fin de semaine mon jardin. Il me pèse bien sûr de lui rappeler que depuis Aristote en fait de poétique il n’y en a jamais eu une seule mais des versions successives et concurrentes. Mais je me sens plus soulagé en lui faisant valoir l’idée de point de vue, ce qu’implique la tenue d’une cohérence et d’une spécificité. À sa moue obstinément sceptique, je rezippe mes convictions, en me disant que mon explication doit être aussi fautive que maladroite, qu’il est temps finalement de tirer la chasse d’eau.