Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 23 septembre 2016

UN RICARD SINON RIEN (OU COMMENT FÊTER L'INSIGNIFIANCE)


Il y a trois jours, je reçois un courrier de l’auteur de La Génération lyrique en réaction à mon article « Érables au printemps : “en simplifiant” » (voir ci-dessous la rubrique Pages critiques). L’orgueil blessé qui en accompagne l’ironie, à ce point frelatée, n’est plus vraiment pour me surprendre. Ni même l’absence consternante d’argument, caractéristique de ces voix autoritaires qui n’ont guère l’habitude d’être discutées, encore moins contestées, s’imaginant peut-être au-dessus du débat. L’ironie, en face du lyrisme, – ce couple postiche qui fait encore des victimes, et nourrit de subtiles méditations doctorales – lui aura astucieusement servi à échapper aux sanctions de la rationalité. Sans doute, me dis-je, n’y a-t-il pas lieu d’insister. Après tout, l’auteur sera allé, en fait d'« œuvre », au bout de ses moyens. À bien y regarder, non que je veuille le sauver, il n’est pas complètement insignifiant. C'est qu'il désigne malgré lui un symptôme à la fois discursif et institutionnel. D’un côté, il illustre les travers courants de l’essayisme, ce « chic » ou ce « toc » culturel qui a ses adeptes et ses convertis, dont la revue L’Inconvénient aujourd'hui est un autre avatar, – celles ou ceux qui, à l’image du petit maître, se piquent d’écrire et de penser non moins librement. De l’autre, et c'est le plus intéressant, il est le produit typique des années 80, la décennie du « grand cauchemar* » selon l’expression de Cusset. A-t-on jamais entendu voix si peu individuelle, si peu singulière, une voix entièrement parlée par son époque ?

* François Cusset, La Décennie. Le grand cauchemar des années 1980, Paris, Les Éditions La Découverte, 2008.